La cloche marchoise kidnappée !

Elle est Marchoise et elle s’appelle Bertha. Nous sommes le 2 novembre 1943 et les Marchois souffrent des contrecoups de la guerre. Ce jour-là, Bertha écrit à des amis et évoque un enterrement et la mort de plusieurs personnes mais elle décrit plus précisément un événement local : l’enlèvement de la cloche Sylvie Marie Léopoldine Benoîte dont les battements scandaient chaque épisode de l’histoire de l’église Saint Géry.

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Un document de la paroisse de Marche-lez-Ecaussinnes

La cloche, fondue en 1852, a été emportée par les Allemands, un vendredi (le 29 octobre, voici exactement 75 ans), précise Bertha. Comme les portes de l’église étaient ouvertes, l’ennemi se met immédiatement à l’ouvrage, en l’absence du prêtre de la paroisse ou du vicaire.

Voici une partie d’une lettre inédite écrite par cette Marchoise à des connaissances. Telle quelle. Avec ses maladresses, ses erreurs, ses aberrations. Certains mots sont illisibles et/ou incompréhensibles mais c’est un témoignage historique et Bertha a privilégié le récit direct, rapide, sans fioritures.

« Tu reviendras »

« Tout de suite il y avait une foule de gens. Quand M. le Vicaire est arrivé : un vrai enragé, ils ont tiré les auvents à une fenêtre du clocher du côté de la place ; après, ils sont partis disant qu’ils reviendraient vendredi pour 10½ h et rapporteraient une petite cloche mais vendredi c’est pas à 10½ h qu’ils sont arrivés, ils étaient là à la sortie de l’enterrement, pas encore 10 h et M. le Vicaire qui devait accompagner le mort au cimetière, demander puis que ca a du aller vite. M. le Curé avait donné rendez-vous à tous jeudi pour vendredi à 10½ h, beaucoup étaient encore là de l’enterrement, les autres étaient sur le qui vive et sont arrivés sur le coup ; la place était noir de monde, vendredi il y avait 2 allemands avec, on avait fait la toilette de la cloche ; on avait peint à la couleur un ruban tricolore alentour ainsi que l’inscription d’un côté « Tu reviendras » et de l’autre « Au revoir ». Les enfants de toutes les écoles étaient là. Du moment qu’elle commençait a se montrer par le collet on voyait les couleurs tricolores, on a commencer a chanter vers l’avenir, et des autres chants de circonstance, une affaire que j’ai remarqué quand on chantait l’ancien brabançonne (après des siècles d’esclavage) contre les Hollandais. Le vicaire ne chantait pas ni se découvrit.

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Extrait de la lettre

Quand elle a été a terre deux jeunes filles sont accourues pour y fixer un ruban tricolore, les allemands l’ont défendu, et voilà une dispute entre le Vicaire et un Allemand, le Vicaire parle l’allemand et il sait encore plus crier que eux. Ici comme ailleurs c’était bien sûr défendu de photographier, seulement le Vicaire a trouvé moyen de le faire pendant qu’on la descendait, et après quand on l’a montait sur l’auto… (NDLR : le mot n’a pu être identifié) quand elle était dessus, vous auriez du voir comme il trouvait moyen de tromper les Allemands, une fois je crois qu’on avait entendu un déclic, il se retourne, rien à voir.

Ce n’est qu’un au revoir…

Avant qu’on la change M. le Curé demande à la population « Est-ce que vous êtes content de donner la Cloche ; un seul cri « Non non. Après « est-ce que vous accepter celle qu’on nous apporte » Non non, ils n’ont qu’à la rapporter où ils l’ont pris ; on n’a donc pas voulu l’accepter, et ils ont été obligés de repartir avec, sous les cris de « Au revoir à la cloche et des Hu et Ha à leurs adresses. Nous voilà donc sans cloche. Quand est-ce qu’on l’entendra encore et il faudra du temps pour s’habituer. Si la guerre finira vite on espère la revoir. Et ainsi c’est l’un après l’autre qu’on nous prend nos enfants – nos hommes – nos cloches – maintenant on commence à enlever les fils de cuivre de la haute tension pour les remplacer par des fils de zinc. »

Elle termine par un post-scriptum : « Pour partir on a pu mettre les rubans tricolore et la couvrir de fleurs, l’Allemand a même aider ». Eh bien, gageons qu’il n’y a vu que les couleurs de son pays…

5 réflexions sur « La cloche marchoise kidnappée ! »

  1. Je tiens à compléter votre article concernant la cloche :LA FABRICIENNE ( Lucienne-Alexandre) étaient les marraine et parrain de la nouvelles cloche! Il s’agit de Lucienne Sevrin (Epouse de Jules Bougard,et de Alexandre Wayembergh( Vétérinaire )Grand-Père d’Anne ,la Pharmacienne!Tous deux faisaient partie de la Fabrique d’Eglise du Sacré-Coeur.Je me trouvais sur la Place Cousin avec ma maman lorsque les Allemands sont venus chercher les clocheset Mlle Debauque,qui se trouvait pari nous a entonné La Brabançonne,accompagnée par tous les badauds qu’y s’y trouvaient!

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    1. Merci beaucoup pour toutes ces précisions. Elles sont précieuses. Vos souvenirs valent de l’or. Vous avez assisté à un événement historique, merci de le partager.

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