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Une réserve naturelle en milieu artificiel à Restaumont

La réserve naturelle domaniale de Restaumont s’étire sur plus de 57 hectares. Le site était réputé pour sa pierre bleue, une roche formée de cristaux de calcite qu’on a baptisée « petit granit » parce qu’elle évoquait le granite d’origine volcanique. En réalité, la pierre d’Ecaussinnes est une roche calcaire à cryolite. C’est donc une roche d’origine marine. Il y a 350 millions d’années, Ecaussinnes était vraisemblablement englouti dans une lagune au climat tropical. On y trouvait essentiellement des crinoïdes, des animaux marins à l’apparence végétale, mais aussi des coquillages. Les fossiles incrustés dans la pierre en témoignent.

Relique de la carrière (Ph. Michel Thiry)

Bien plus tard, le lieu accueillait jusqu’à trois carrières d’extraction de pierre bleue, Restaumont étant exploité pour sa roche depuis le XIXe siècle. Au milieu des années 80, le site est repris par la société Nocarcentre qui se livre à une activité de concassage. Vingt années après, l’entreprise renonce à l’exploitation et les pompes d’exhaure s’arrêtent. Très rapidement, l’eau commence à combler le gouffre. Au fil des années, la nature reprend ses droits et l’ancienne carrière se métamorphose en biotope exceptionnel.

Quant à l’or bleu, il allait pouvoir être mis à profit par une station de potabilisation de la Société wallonne des Eaux, dès le mois de septembre 2008. La station d’Ecaussinnes permet ainsi de valoriser 500 m3 d’eau par heure (12.000 m3 par jour). Traitée, l’eau d’exhaure est expédiée, par le biais de pompes à haute pression, vers le parc pétrochimique de Feluy.

La réserve naturelle de Restaumont

Un site artificiellement naturalisé

La particularité de ce site, c’est qu’il n’est théoriquement pas naturel, étant donné qu’il a été altéré par l’homme. Cela relève sans doute de l’oxymore mais Restaumont est en quelque sorte une réserve naturelle implantée dans un milieu artificiel… En y exploitant une carrière, on a anthropomorphisé le paysage. Plus question dès lors de laisser la nature proliférer de manière sauvage : l’homme maîtrise cet environnement, en privilégiant certaines espèces, plus rares.

Si le naturel revenait au galop, les mousses et les lichens coloniseraient d’abord cette roche peu nutritive. Avec le temps, les matières organiques se transformeraient en terre arable, favorisant ainsi le développement des saules et les bouleaux. Le cycle se poursuivrait et les sols nourris par le bois mort et les résidus entraîneraient l’enracinement d’autres essences d’arbres. Et la forêt primitive se recréerait. La biodiversité serait dès lors moins intéressante que dans un milieu ouvert, comme celui de Restaumont. C’est en tous cas ce qui motive les experts à entretenir le site et dompter les ardeurs de la nature, en abattant parfois des arbres, par exemple.

Deux espèces animales sont particulièrement protégées : le crapaud calamite et l’alyte accoucheur. Le crapaud calamite affectionne les flaques au creux des ornières tracées par le passage de véhicules. L’amphibien dont la reproduction est plus rapide que les autres, accapare donc un terrain pauvre, souvent industriel qui n’intéresse aucun de ses congénères. Quant à l’alyte accoucheur, son appellation évocatrice se réfère au mâle qui transporte les œufs de la femelle jusqu’à éclosion, moment où il les dépose dans une mare. La reproduction est externe puisqu’il arrose de sperme les œufs pour les féconder. Ces deux espèces sont rares et menacées en région wallonne.

Au loin, on aperçoit l’ancienne église du Sacré-Coeur sur la place Cousin (Ph. Michel Thiry)

Chez les volatiles, outre les moineaux domestiques, les choucas et les rouges-gorges, on peut aussi observer des pouillots véloces (chiffchaff en anglais ou tjiftjaf en néerlandais, en référence au gazouillis). Ce sont des oiseaux insectivores, qui migrent vers le Sud, en hiver. Le grand-duc est également présent. Ce rapace nocturne très impressionnant est d’ailleurs un prédateur du renard ! Renard qu’on peut aussi croiser à Restaumont, autant que le chevreuil.

La réserve n’est pas à l’abri de la flore dite invasive car « exotique » comme le buddleja davidii originaire d’Asie et mieux connu en tant qu’arbre aux papillons. C’est une espèce très envahissante qui contrarie la croissance d’autres espèces. Exotique ne signifie pas forcément invasif car en Wallonie, la moitié des espèces sont cataloguées exotiques. Les animaux ne font bien entendu pas exception puisque des bernaches du Canada survolent Restaumont. Ces grandes oies d’environ 1 mètre de haut peuvent vivre jusqu’à 24 ans.

Dimanche dernier, la commune d’Ecaussinnes proposait, en collaboration avec le Département Nature & Forêts du SPW, une promenade guidée qui a exceptionnellement permis au public de découvrir cet endroit enchanteur. Il n’est pas permis, en temps normal, d’y flâner et encore moins de s’y baigner. Tout simplement parce qu’il s’agit de permettre à la faune et à la flore de s’épanouir à l’écart du béton et du fracas de nos villes.